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“LA FRANCOPHONIE EN ALGÉRIE

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مُساهمة  زينب الإثنين فبراير 02, 2009 5:10 pm

L’Algérie est un grand pays francophone et pourtant elle ne fait pas partie de ‎la Francophonie. Pour comprendre ce paradoxe, il faut réaliser que la langue française en Algérie est l’objet d’une ‎forte ambivalence, qui présente des aspects sociaux, culturels, politiques et identitaires. L’Algérie a été constituée par la ‎France qui lui a en même temps nié toute identité propre : «L’Algérie, c’est la France», a-t-on longtemps répété. La ‎langue française est ainsi au coeur d’un noeud complexe. Il faut donc exposer ces problèmes, examiner la situation actuelle ‎et s’interroger sur les perspectives ouvertes.‎

Les problèmes liés à la francophonie en Algérie
Le paysage linguistique de l’Algérie est multilingue. Citons d’abord l’arabe, ‎langue du Coran et de l’islam. Dénommé arabe classique, seule langue arabe écrite, considéré comme sacré et affecté ‎aujourd’hui à des usages profanes, il s’est trouvé en position difficile durant la colonisation. En effet, la langue française prit sa ‎place dans l’enseignement et pour les usages officiels. L’ouverture au monde moderne se fit par le français. Par ailleurs, la ‎langue maternelle est représentée par des parlers arabes et par des parlers berbères dans certaines régions telles que la ‎Kabylie. Bref, en 1962, tout le pays fonctionnait‎
en français : enseignement, administration, environnement, secteur ‎économique. Du fait de l’extension de l’enseignement avec l’indépendance, la langue française s’est beaucoup plus implantée en ‎Algérie qu’elle ne l’avait fait durant la colonisation.‎
Toutefois, le gouvernement algérien voulait réaliser la « face culturelle de ‎l’indépendance » en mettant à la place de la langue française la langue arabe, non pas la langue parlée, mais la langue arabe ‎standard issue de l’arabe coranique : ce fut l’objetde la politique linguistique d’arabisation1. En dépit de résistances diverses, ‎cette opération fut menée à son terme dans les années 1980 jusqu’à la production de bacheliers en arabe. Le français a ‎continué à être enseigné comme langue étrangère à partir de la quatrième année de l’enseignement primaire, mais sa place a été ‎réduite : le tableau suivant donne une idée de cette évolution en ce qui concerne le nombre de maîtres dans ‎l’enseignement primaire selon la langue qu’ils utilisent.‎

En ce qui concerne l’enseignement supérieur, son arabisation fut largement ‎entamée, notamment dans les sciences humaines, mais le secteur économique (et en partie administratif) a continué à ‎être géré en français (ou, à la rigueur, en anglais).‎
Cette politique d’arabisation s’est déroulée de façon conflictuelle, à la ‎différence de ce qui s’est passé en Tunisie et au Maroc, où une option de bilinguisme franco-arabe a été généralement ‎assumée. Ce ilinguisme fut pratiqué dans les premières années de l’indépendance, mais le conflit qui opposait deux couches ‎de la société a visé à éliminer la langue française. Les enjeux en étaient idéologiques, mais aussi économiques : il ‎s’agissait pour les arabisants de prendre les places occupées par les francisants, au besoin en créant chez eux une mauvaise ‎conscience fondée sur le lien langue française/France/colonisateur. Ainsi, cette politique s’est imposée dans un ‎climat d’hypocrisie sociale (la langue française‎
demeurant la langue de la réussite réservée à l’élite) et a conduit à une faillite ‎du système d’enseignement, constatée tant par les personnalités politiques (présidents Boudiaf, Bouteflika) que par des ‎commissions de réforme de l’enseignement ‎(révélant, par exemple, le taux important d’échecs à l’examen du baccalauréat). ‎De plus, cette politique d’arabisation s’est trouvée discréditée à partir des années 1980 par le lien qu’elle a entretenu avec ‎le mouvement islamiste qui a utilisé les enseignants arabisants pour sa propagation. Elle l’a été enfin par le fait que ses ‎promoteurs se sont opposés non seulement à la langue française, mais aussi aux langues parlées2, arabes et surtout ‎berbères, ce qui a engendré, de la part des Kabyles principalement, une opposition déterminée à cette politique.‎
Au mépris de considérations pédagogiques, l’arabisation a été l’instrument ‎d’un clan politique ; elle a été un moyen de conquête d’une partie du pouvoir. Elle était en même temps utilisée par le ‎régime en place qui recherchait une légitimité dans la référence à l’islam et dans l’hostilité à la France. Or ce même pouvoir, ‎considéré dans les années 1980 comme autoritaire et corrompu, avait utilisé la langue française pour la gestion du ‎pays : de ce fait, celle-ci avait pris aux yeux des masses une connotation oppressive. Mais comme elle bénéficiait, par ailleurs, ‎d’une image positive d’ouverture à la modernité et de libération des tabous traditionnels, elle s’est trouvée au coeur d’une ‎ambivalence, objet d’attachement et de rejet, sur le modèle de la relation à la France.‎

L’état de la francophonie en Algérie

Aujourd’hui, la langue française tient en réalité une grande place en Algérie. ‎Elle est enseignée à partir de la quatrième année du primaire. Il est question de le faire dès la deuxième année et de ‎reprendre la formation d’enseignants de français,‎ négligée depuis les années 1980. Elle a sa place dans le secondaire, comme ‎langue étrangère, et dans le supérieur, surtout dans les matières scientifiques. Elle est pratiquée dans de nombreuses écoles ‎privées (autrefois interdites). Elle est toujours considérée comme la clé nécessaire pour poursuivre des études (notamment à ‎l’étranger) ou pour trouver un emploi3. Sa connaissance est liée pour les jeunes à l’espoir d’émigrer. Elle est présente ‎dans les foyers par la télévision ; les quotidiens publient en effet les programmes de la télévision française, de telle sorte ‎qu’une fraction importante de l’opinion algérienne vit à l’unisson de la vie publique en France. Une bonne proportion de la ‎presse, privée ou publique, est publiée en français.‎ Quant au secteur économique, il ne fonctionne qu’en français ou en anglais. ‎La loi de généralisation de la langue arabe,‎
adoptée en décembre 1996, n’a été suivie d’aucune application. Ainsi, à la ‎différence des années 1980, il n’y a plus en Algérie d’impératif politique susceptible d’exclure la langue française ou d’en interdire ‎l’emploi.‎
Outre sa présence directe, le français est présent en Algérie dans le langage ‎quotidien par son association aux autres langues parlées, dans le cadre de ce qu’on appelle l’alternance codique selon ‎laquelle une phrase peut comprendre une alternance d’algérien, de français et de berbère. Le français est devenu une ‎réserve pour les langues algériennes : arabes ou berbères, elles prennent des mots français auxquels elles donnent une forme ‎locale : téléphonit-lu («je lui ai téléphoné»),‎ entend-on couramment. C’est donc une nouvelle façon de parler qui se crée en ‎Algérie, à laquelle le français est associé,‎ de même qu’il l’est à la création artistique d’auteurs, de chanteurs ou de ‎comédiens, qui ont recours à trois langues d’expression : le français, l’arabe et le berbère. Une enquête récente de D. ‎Caubet sur la création artistique4 donne la parole à certains d’entre eux.‎

Des perspectives ouvertes
Lors du IXe sommet de la Francophonie, à Beyrouth, en octobre 2002, le ‎président Bouteflika a prononcé devant les chefs d’État et de gouvernement un important discours exprimant l’ouverture ‎de l’Algérie au monde extérieur. Il y participait en tant qu’invité personnel du président libanais. De fait, cette démarche ne ‎s’est pas doublée d’une adhésion officielle à laquelle l’opinion algérienne n’est pas préparée. Dans le même temps, une ‎commission de réforme de l’enseignement a travaillé durant une année (2001-2002). Son rapport n’a pas été rendu public, ‎mais il s’est avéré qu’une partie importante de ses travaux a été dominée par l’opposition entre partisans et adversaires du ‎français, dans le cadre d’une rénovation de
la pédagogie et d’une modernisation de la structure d’enseignement.‎
Les conflits qui ont suivi ces travaux ont révélé la sensibilité d’une bonne ‎partie de l’opinion à la question linguistique et ont témoigné d’un attachement profond à la langue arabe pour diverses ‎raisons. Pour certains, l’échec de l’enseignement est lié à la part trop grande réservée au français dans le milieu social. De plus, ‎l’attachement à la religion, à une forme de vie traditionnelle, la conscience de l’hypocrisie sociale qui entoure la question ‎du français, la méfiance vis-à-vis d’un débridement des moeurs sous l’influence occidentale font qu’existe un large ‎courant d’opinion attaché à la langue arabe,‎ qui empêche le pouvoir de décider de certains changements, comme des ‎mesures pour l’accroissement de la part du français dans les programmes et, encore plus, l’adhésion à la Francophonie. Toutefois, ‎il existe aussi - et en partie chez les mêmes -‎ un fort courant moderniste qui estime que la revalorisation de l’enseignement ‎nécessite de donner une part plus grande au français (voire à l’anglais).‎
Ceci conduit à s’interroger sérieusement sur la place des langues en Algérie. Il ‎est certain que l’arabisation, même mal conduite, répondait réellement à un souhait de la population d’être rattachée ‎par cette langue à l’islam et au monde arabe.‎

Or cette conscience existe toujours, réactivée quotidiennement par les ‎événements de Palestine et d’Irak. C’est pourquoi les circonstances actuelles, qui pourraient conduire à donner une part trop ‎belle au français, et ceci d’autant plus facilement qu’une large part de l’opinion le souhaite, doivent être considérées avec une ‎grande prudence. En fait, l’Algérie a besoin Gilbert Grandguillaume
des deux langues de culture, le français et l’arabe, pour des objectifs différents, ‎complémentaires, mais potentiellement antagonistes. Aussi la meilleure solution à envisager dans le cadre de la ‎Francophonie serait-elle d’aider l’Algérie à mettre en place un véritable bilinguisme, hors de l’opposition actuelle qui réserve le ‎français au moderne et l’arabe à la tradition.‎
Car c’est une promotion des deux langues qui est nécessaire, dans une ‎coopération pédagogique qui aiderait l’arabe à se moderniser et le français à être assimilé. C’est seulement à cette condition que ‎la perspective de diversité culturelle pourrait témoigner de sa sincérité, alors qu’une victoire trop facile du français sur ‎l’arabe, à la faveur des déboires subis par la politique d’arabisation, pourrait réserver des lendemains amers.‎
Un colloque tenu à l’Institut du monde arabe5, organisé par le ministère des ‎Affaires étrangères (qui vient de mettre en place, en coopération avec l’Algérie, un important programme de formation ‎de professeurs de français), a semblé admettre cette perspective, mais sa mise en oeuvre ne pourra se faire que si la ‎Francophonie n’est plus perçue comme un nouvel impérialisme linguistique, mais comme un cadre qui veut laisser leur ‎chance à toutes les langues, à plus forte raison à une langue comme l’arabe qui plonge ses racines dans une longue histoire ‎culturelle, dans laquelle l’Algérie reconnaît une
part de son identité.‎

NOTES
‎1. Pour cette question, voir mon ouvrage Arabisation et politique linguistique au Maghreb, Maisonneuve et Larose, Paris, 1983, et, pour le ‎suivi récent, ma contribution «Les enjeux de la question des langues en Algérie», in BISTOLFI R. (dir.), Les Langues de la Méditerranée, Paris,‎ L’Harmattan, 2003, p. 141-165.‎
‎2. Voir à ce sujet BENRABAH M., Langue et pouvoir en Algérie. Histoire d’un traumatisme linguistique, Paris, Séguier, 1999.‎
‎3. C’est ce que révèle l’étude intitulée «Perception et pratique des langues étrangères dans le système éducatif en Algérie», Revue du ‎CENEAP ‎(Centre national d’études et d’analyses pour la planification), n° 18, Alger, 2000.‎
‎4. CAUBET D., Les Mots du bled. Création contemporaine en langue materelle, Paris, L’Harmattan, 2004.‎
‎5. Colloque «Français-arabe, arabe-français : construire ensemble dans une perspective plurilingue», Institut du monde arabe, 13-14 ‎novembre ‎2003, Paris.‎‎78‎

زينب

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تاريخ التسجيل : 17/01/2009

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